La poésie de se résume pas aux souvenirs de collège, à lire en essayant vainement de "traduire" les vers de Mallarmé ou de retenir les alexandrins de Baudelaire entre deux crises de rage et des litres de larmes versés. Elle peut se trouver dans le sourire d'un enfant ou le vol d'une mouette au bord de la mer, de pétales de rose ou d'un départ sans mot d'adieu (c'est beau, non ? ^^).
Il est difficile de créer cette impression de poésie sur un blog. Pourtant, la créatrice d'aujourd'hui y arrive sans problème. Rien que son nom nous donne cette magie des mots : Anne, le bruit des vagues. Ca vous fait voyager, n'est-ce pas ? Quant à ses créations, ce sont des poèmes à elles seules !
Nous voulons tout savoir de toi : ton âge, si tu as des enfants, ton métier, tes études, si tu as des animaux, ce que tu aimes et ce que tu détestes, le dernier film que tu as vu, ton numéro de compte bancaire suisse ...
Parler d'emblée de mon âge, n'est-ce pas un peu délicat ?
...Vous dire que je suis une grande enfant ne vous suffira pas, je le crains, même si voilà le fondement même du désir de créer, si l'on en croit tout ce qui se dit dans les magazines... Bon, j'arrête de tourner autour du pot, et je vous accorde cette petite faveur de vous dire que j'aurai très bientôt 45 ans, mais n'allez pas le répéter à tout va ! Cela reste entre nous, n'est-ce pas ?
J'ai deux grandes et adorables filles, Mathilde et Morgane, et si je commence à nommer tous les animaux qui vivent autour de moi, on ne va pas s'en sortir... Je crois que je ne pourrais plus vivre sans ma petite ménagerie. Nous habitons à la campagne, dans la très belle région grenobloise, avec un haras presque devant notre porte. Bref, un pur bonheur pour moi : la nature y est grandiose et généreuse, et voir les chevaux passer devant la maison me ravit chaque jour davantage. C'est plus fort que moi ! Il faut que je sorte pour les admirer...
Vous l'aurez compris, j'aime les grands espaces et la nature est pour moi à la fois source d'équilibre, d'inspiration et de rêverie. J'ai besoin de calme et d'harmonie, de douceur. C'est d'ailleurs pour cela que j'aurais bien du mal nommer le dernier film que j'ai vu : je ne regarde plus la télévision. En revanche, je peux vous conseiller pas mal de bons romans !
C'est aussi tout naturellement que j'ai "glissé", professionnellement, vers le métier de graphiste, qui me correspond parfaitement.
Pourquoi "le bruit des vagues" ?
"Le bruit des vagues", je ne sais pas..., c'est venu comme ça. Je n'ai pas trop cherché à comprendre, sur le moment.
C'est un des bruits les plus apaisants, un de ceux que l'on peut imaginer si l'on pratique la médiation, et qui procure une profonde détente.
Et puis, surtout, c'est la douce musique de mon enfance, puisque je suis originaire des magnifiques bords de mer bretons.
Bref, le bruit des vagues, c'est ce qui vient au plus profond de moi quand j'ai besoin de calme. C'est mon havre de paix.
Comment s'est passée ta première rencontre avec la polymère ? Tu as trouvé un pain de pâte qui flottait sur le bord de mer et une sirène t'a jeté un sort ?
La sirène, qui vient de l'autre côté de l'océan, s'appelle Mériem. Je voulais qu'elle me montre comment composer des cabochons en pâte polymère, que je sertirais ensuite de rocailles. Pour être honnête, je n'étais pas franchement emballée. J'ai continué encore longtemps à percer mes coquillages, mes petits bouts de bois flotté, et autres trésors ramassés en bord de mer, pour faire des colliers, et puis, petit à petit, j'y ai inclus quelques perles en pâte fimo, découvert de nouvelles techniques... J'ai commencé à montrer tout "ça" sur mon blog naissant.
Et là, incroyable... plein de monde aimait, tandis que je doutais vraiment de mes capacités (...ce qui est d'ailleurs toujours le cas : je suis toujours très critique sur mes compositions, dont j'ai tendance à ne voir que les défauts, ce qui a tout de même l'avantage de m'obliger à m'améliorer).
Et puis, troisième déclic : la première rencontre avec "les fimoteuses" de Grenoble (je ne sais toujours pas comment j'ai osé dire oui : je me trouvais nulle, je ne connaissais absolument personne, j'avais 3 petits pains de fimo ridicules, même pas une lame, je ne connaissais le nom d'aucune technique, aucune Dona Kato et autre Julie Picarello non plus dans mon vocabulaire : la honte !).
Et c'est là que je dis aux "p'tites nouvelles" : Osez !!! Le monde de la polymère est une grande famille bienveillante, motivante, généreuse.
Voilà, j'ai rencontré mes bonnes fées, qui m'ont encouragée et donné envie de découvrir encore et encore. Ce que j'ai fait.
Qu'aimes-tu travailler le plus avec la polymère ?
J'adore jouer avec les textures et les couleurs, les peintures et les pastels. Je ne sais jamais où je vais aller, c'est une fois lancée que les choses s'assemblent pour former une unité.
Je crois que ma technique favorite (en tout cas celle qui n'a jamais fini de m'émerveiller) reste le hidden magique, avec ces motifs qui apparaissent soudain on ne sait sortis d'où... J'ai toujours un peu de peine lorsqu'il faut découper une magnifique plaque en morceaux pour réaliser des perles...
Dans quelle ambiance travailles-tu ? Devant une baie vitrée donnant sur la plage ? Entourée de charmants marins torse nu ? (entre-nous, avec le second choix, j'aurai du mal à maintenir mon attention sur la pâte ... mdr)
Ah ! Ah !... je vois que je vous ai bluffée, avec mes vagues, ma belle Bretagne, et toutes ces odeurs iodées que véhicule mon blog ! J'en suis ravie : cela signifierait-il que j'en suis encore moi-même toute imprégnée ?
Et bien pas du tout ! J'ai, depuis l'année dernière, installé mon atelier devant une fenêtre qui donne sur mon "jardin". En fait, je vous laisse imaginer un jardin avec une balançoire accrochée dans un cerisier centenaire, avec, le long du mur du vieux potager, sur la droite, une haie d'hortensias roses sombres (et oui, c'est la première chose que j'ai plantée en arrivant en Isère, voilà maintenant plus de 20 ans !), pas de talus, pas de clôture, mais des champs à perte de vue, jusqu'à ce que vous aperceviez la Chartreuse, là-bas, au fond. C'est immense. Et c'est beau...
C'est sûrement pour ça que je ne suis pas très productive : je passe mon temps le nez en l'air à regarder le coucher de soleil qui rend la montagne toute rose en hiver ou à admirer les aigles qui tournent dans le ciel en été.
Je vous montre ?
En revenant en arrière, avec le recul que tu as aujourd'hui, que peux-tu nous dire sur tes premières créations ? (si tu as une photo de tes débuts, c'est le moment de la sortir ^^).
ça, c'est mon tout premier collier en pâte polymère ! (et bague coordonnée).
Je l'avais fait pour ma Morganette : une parure assortie à une de ses tenues. Elle était absolument ravie !
Moi ? J'avais pas mal aimé le côté patouillage, mais trouvais le résultat un peu trop grossier (surtout si l'on précise que les perles beiges bien calibrées sont en bois...). Avec du recul, je crois qu'un enfant de 7 ans ferait aussi bien ! A ce stade, je ne vois plus bien ce qui a bien pu me pousser à persévérer !
Quelle est ta création préférée et pourquoi ?
J'aime beaucoup le résultat de ces trois miroirs coordonnés. C'est une amie qui me les a commandés. Elle en voulait trois qui formeraient une continuité, avec des couleurs assez particulières, que je n'ai pas spécialement l'habitude de travailler (du rouge !). Au final, les tons s'harmonisent bien, avec un dégradé qui pourrait faire penser à un glissement des saisons.
Ce qui m'inspire le plus, dans ce genre de créations, c'est le mélange des techniques, pour aboutir finalement à une unité. J'aime bien aussi cette idée de travailler sur de grandes surfaces. J'aimerais arriver à une plus grande cohérence pour illustrer un thème sous forme de véritable tableau. L'idée est là, germant dans mon esprit, que je n'ai encore pas réussi à concrétiser. Ces miroirs me montrent le chemin, je crois.
Le nom d'un(e) artiste qui te donne envie de tester de nouvelles choses ou qui pourrait te pousser encore plus loin :
La première fois où j'ai vu les créations de Laurie Mika, je n'en revenais pas ! Cette artiste utilise la matière en volume (et en quantité !) pour s'exprimer pleinement, et le résultat est splendide ! Je suis vraiment admirative de ce qu'elle fait, même si je ne suis plus aujourd'hui aussi impressionnée, techniquement parlant, et si je préfère des choses un peu plus épurées (moins de dorures). C'est ce qu'elle arrive à sortir de l'ensemble qui m'impressionne, et c'est vraiment ce vers quoi je voudrais aller.
Parmi les autres artistes qui m'épatent, et même arrivent à me couper le souffle, je retiendrai Kathleen Dustin : quelle incroyable maîtrise du matériau, quelle sensibilité dans l'harmonisation des couleurs, quelle recherche de perfection, et toutes ces idées nouvelles qui lui viennent ! Oui, là, je me sens vraiment toute petite...
The question où il faut réfléchir un peu : celle du fameux baccalauréat : pour l'examen, tu dois créer ta vision de la mer. Le sujet peut paraitre facile mais tu réalises brusquement que les seules couleurs qui sont disponibles sont le rouge sang, le noir et le vert haricot. Que fais-tu ?
Mmmhhh.... A première vue, ces couleurs ne nous seront guère favorables... Et même, pour tout dire, elles arriveraient très vite à me faire bouillonner ! Je crois que je commencerais par mélanger ces teintes entre elles, par petites doses, pour fabriquer de nouvelles couleurs, et avec toute cette palette j'obtiendrais un vrai temps de tempête ! Si j'arrive à imaginer l'ambiance, alors oui, je pourrais peut-être même te fabriquer un vrai coup de vent, force 9, pourquoi pas.. Alors tu obtiendrais un bâteau en perdition (rouge, la coque du bateau égaré dans les flots) et des lames déferlantes grosses comme des maisons, puis de plus en plus énormes, et une visibilité réduite par les embruns.
Alors, s'il te plaît, Aneliz, ne me fâches pas, et donnes-moi plutôt les bonnes couleurs, celles que j'aime : du bleu turquoise, des ocres dorés et quelques verts pâles, alors la mer redeviendra un brin plus paisible.
Et souviens-toi d'une chose : il faut toujours se méfier de l'eau qui dort !
Un tsunami de 6 mètres arrive ! Tu as moins de 10 secondes pour attraper tes trois outils favoris. Quels sont-ils ?
Mon appareil photo ! (il est le lien entre vous et moi, non ? Et puis entre mes yeux et la nature qui m'entoure. Oui, décidément, je ne pourrais pas m'en séparer...)
Mes textures : il y en a plein que l'on m'a offertes, et puis d'autres, improbables, et difficiles à retrouver... : l'empreinte des semelles de chaussures de mes amis, un vieux filet de pommes de terre, une magnifique feuille de ginko reçue lors d'un swap...
Mon carnet d'adresses, avec tous les liens des blogs que j'aime (il y en a tant...)
Pour le reste, ce sont toutes des choses que l'on peut retrouver assez facilement, je crois, et dont je pourrais assez facilement me détacher.
Dernière question, qui n'en est pas une : tu as carte blanche pour dire ce que tu souhaites. La parole est à toi !
Regarder autour de soi et s'émerveiller.
S'en remplir puis laisser parler ses mains.
Pour moi, le secret de la création est là.
Et l'on pourrait retourner à la première ligne de cette interview :
celle où l'on évoquait déjà l'importance de garder ses yeux d'enfant !